Lumière pâle sur les collines

Kazuo Ishiguro

Folio

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    14 septembre 2018

    Etsuko, japonaise installée en Angleterre, reçoit pour quelques jours sa fille Niki, née de son second mariage avec un anglais. Entre elles, les paroles se font rares. Niki est venue de Londres pour réconforter sa mère qui vient de perdre Keiko, sa première fille née au Japon. Pourtant, elle ne trouve pas les mots pour évoquer cette sœur qui jamais n'en fut une. Keiko était renfermée, hostile à tout et à tous. Elle n'avait jamais accepté d'être déracinée de son pays natal. Elle considérait l'Angleterre, son beau-père, sa demi-sœur comme des ennemis et restait le plus souvent enfermée dans sa chambre. Elle a fini par se pendre dans le petit appartement qu'elle louait à Londres. Cette fin tragique ramène Etsuko au temps où elle attendait sa naissance avec autant d'impatience que d'appréhension. À cette époque, Nagasaki se relevait courageusement de ses cendres, le Japon tout entier se tournait vers l'avenir et Etsuko, mariée à un salary man très occupé, faisait la connaissance de ses voisines, Sashiko, une jeune veuve et sa fille Mariko.

    Premier roman du nobellisé Kazuo Ishiguro et déjà on trouve sa plume subtile, sa façon poétique d'évoquer les choses sans vraiment les dire, sa pudeur et sa délicatesse. Et ben sûr le Japon de l'après-guerre quand le pays s'est confronté au défi de se relever et de se moderniser. Si certains se sont jetés à corps perdu dans ce travail de reconstruction, d'autres ont souffert de l'abandon des traditions et des valeurs ancestrales. À travers les souvenirs d'Etsuko, on découvre Nagasaki dans les années 50. La ville a subi le pire des traumatismes mais veut aller de l'avant, oublier le passé. Etsuko observe les transformations des mentalités et des mœurs. Son mari a refusé de vivre chez son père comme la coutume l'exigeait, son beau-père ne comprend pas l'évolution de la société, la condamnation de ceux qui ont défendu le pays et combattu jusqu'au bout. Et, si elle reste focalisée sur sa grossesse, elle ne peut s'empêcher de s'inquiéter pour sa voisine et sa petite fille trop souvent délaissée. La jeune veuve qui rêve d'Amérique est prête à tout pour partir avec un G.I. vers une autre vie, d'autres possibilités, loin du Japon alors que sa fille refuse farouchement de quitter son pays. Une histoire qui fait écho à celle d'Etsuko qui a fini par émigrer en Angleterre sans le consentement de sa propre fille, alimentant un profond sentiment de culpabilité.

    Avec finesse et pudeur, Ishiguro raconte les souffrances des japonais, de ceux qui ont perdu des êtres chers sous la bombe, ceux qui ont vu disparaître leur monde, ceux qui ont quitté leur pays et les souvenirs trop douloureux. Un roman très doux malgré les thèmes abordés, une histoire qu'on ressasse pour la réinterpréter, la comprendre, la redécouvrir. Un coup de cœur.