Moi, Jean Gabin

Goliarda Sapienza

Le Tripode

  • 20 février 2013

    Comment trouver les bons mots pour décrire ma passion pour cette femme, Goliarda Sapienza...

    J'ai découvert son oeuvre, comme beaucoup avec L'Art de la joie publié aux Editions Viviane Hamy en Septembre 2005. Je remercie les énergies éditoriales de la maison Attila de nous offrir la publication française du roman Io, Jean Gabin, traduit par Nathalie Castagné.

    Goliarda Sapienza est née à catane, en Sicile, en 1924. Fille d'anarcho-gauchistes, elle ne fréquente pas l'école et reçoit une éducation très originale dans une famille qui ne l'est pas moins.Très jeune, Goliarda s'intéresse aux textes philosophiques, aux écrits révolutionnaires mais aussi aux croyances populaires de la Sicile.

    Moi, Jean Gabin fait partie des écrits autobiographiques de Goliarda.Ecrit dans les années 1980, il ne sera publié qu'après sa mort. Dans les années 30, la petite sicilienne se passionne pour l'acteur Jean gabin, depuis la projection du film Pépé le moko.

    Goliarda arpente les bassi (logis misérables de l'Italie méridionale) des ruelles de la Civita , un vieux quartier populaire où réside sa famille. Elle explore le monde des plus humbles, un monde très sombre où évoluent les prostituées, les artisans et les pêcheurs. Au quotidien, elle fréquente le milieu des idéalistes insoumis au régime fasciste.

    A l'heure de la montée des nationalismes, de l'ascension du Duce, la petite Goliarda va se passionner pour Jean Gabin, le rebelle idéal.

    "Tu ne dois jamais te soumettre à personne et moins que quiconque à ton père ou à moi. Si quelque chose ne te convainc pas, rebelle-toi toujours."

    Loin du manichéisme ambiant à cette époque, entre fascisme et mafia, l'enfance de Goliarda est un souffle de liberté. Ce texte ressemble à un conte surréaliste d'une enfance et de sa propre loi de vie.

    Les valeurs de cette terre de sang et de feu forment une sublime toile de fond pour le regard insatiable de curiosités de la jeune Goliarda. Sous le déluge des mots, elle ne veut renoncer à ses idéaux.

    "Essaie de vivre libre, toi, et tu verras le temps qu'il te reste pour dormir".

    Moi, jean Gabin donne les clés de L'Art de la joie et donne l'envie de découvrir tous les textes de Sapienza, certains seront publiés à l'automne prochain par la maison Attila. C'est le roman d'une époque, un petit bijou d'une enfance singulière et surréaliste.


  • Conseillé par
    5 octobre 2012

    Un quartier populaire de Catane, La Civita, une famille socialiste recomposée, les Sapienza, une éducation très libre, une tripotée d'enfants et parmi ceux-ci, Goliarda, la petite dernière. C'est elle qui raconte une enfance des années 30, dans une famille engagée politiquement à gauche sur une île, dans un pays, où le fascisme monte en flèche. Goliarda, gamine insouciante, passe plus de temps à déambuler dans sa ville que sur les bancs d'une école qui de toute façon lui polluerait l'esprit. C'est son grand frère Ivanoé qui est chargé de son éducation. Et pour la vie, c'est Jean Gabin qui lui transmet les vraies valeurs. Au cinéma où elle dépense l'argent qu'elle gagne à la sueur de son front, elle dévore, avec les yeux et avec le coeur, l'acteur français aux yeux bleus clairs qui devient son modèle. C'est décidé! Goliarda sera Jean Gabin ou ne sera pas!

    Quelle gamine cette Goliarda! Effrontée, rebelle, mature, débrouillarde, ce garçon manqué n'a pas la langue dans sa poche. Elle n'est pas de ces bécasses qui s'émeuvent d'un rien, elle n'est pas amoureuse de Jean Gabin, non, elle veut ETRE Jean Gabin. Comme lui, elle veut affronter la vie avec courage et sauver des demoiselles en détresse. Son franc parler, ses espiègleries, ses rêves, ses questions nous la rendent tellement attachante! Drôle et touchante, elle sait se faire sa place dans une famille pour le moins atypique. Le père, Giuseppe, est l'avocat des pauvres, la mère Maria est une féministe, militante socialiste très active. Tous deux ont connu plusieurs mariages, ont eu beaucoup d'enfants et ont fait des séjours en prison au nom de leurs idées. Ils élèvent leurs enfants dans la liberté, le respect et bien sûr l'anti-fascisme. Chez les Sapienza, chacun est libre d'agir à sa guise, l'école n'est pas obligatoire, l'argent de poche se gagne en travaillant. Goliarda grandit au milieu des domestiques qui sont tous d'anciens clients que son père a fait libérer, dans un foisonnement d'idées politiques, amoureuse de son quartier et de ceux qui le peuplent.
    J'ai vraiment eu un gros coup de coeur pour ce livre qui est comme un rayon du soleil de Sicile.