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    5 janvier 2011

    jolie balade poétique

    Cette balade au parfum à la fois rude et douce de nos campagnes m’enchante agréablement.

    L’auteur nous conte plus qu’il nous expose, l’humain au quotidien, nous emmène par les venelles d’une campagne profonde, par les chemins cachés et chargés d’histoire, de faits.

    La géographie des lieux s’apparente à celle des habitants ou l’inverse un peu comme le concept d’Aristote “Topos” en somme pour résumé : Aristote conçoit que chaque être a son propre lieu dans l’espace, son topos dans le tout exclusif qui lui appartient de plein droit. C’est comme si nous disions : trouver sa place en ce vaste monde.


    C’est en débutant cet essai avec l’histoire très touchante de Rose Vines que ce Topos d’Aristote m’est revenu à l’esprit. Cette enfant parisienne, fut hébergée pendant les années noires de la seconde guerre mondiale à Sainte Eulalie, c’est ainsi que Rose Vines, 7 ans s’approprie son Topos et n’a de cesse d’y retourner pour finalement s’y installer à l’âge adulte.

    Cet essai m’a donné ce reflet des lieux et des êtres comme un tout, une certaine fusion des deux aspects que nous présente l’auteur autour des personnages qu’il rencontre et nous raconte : avec Emma, et le très touchant El Tio pour ne citer que ces deux noms.

    La poésie nous enlace au détour des paysages qui nous enivrent avec volupté, à s’y méprendre, le décor se meut, nous attire à le pénétrer et s’y fondre, à ceux qui honorent la géographie avec leurs pieds, des envies de se chausser nous surprennent.

    Une invitation à se laisser séduire par des chemins moins communs vers des paysages surprenants et séduisants.

    Page 49 : C’est moins la sensation de dominer un territoire qui prévaut, comme pour qui parvient à un sommet, que celle, plus subtile, de pouvoir, enfin, mieux respirer, analogue à celle que procure une clairière dans la forêt-une éclaircie-, ou un vaste place en plein centre-ville, rompant avec l’étroitesse, l’encombrement des rues et la hauteur des immeubles. Soudain, de la lumière. Moins voir loin que voir mieux, et tout en même temps : champs, chemins, lieux habités qui s’égrènent dans une sorte de Co visibilité. Au bénéfice des sommets et autres vallées pittoresques, nous oublions trop volontiers ou trop souvent, discréditons a priori la beauté spécifique des reliefs horizontaux, les plaines, les plats pays, les marais, les lacs (finlandais, pyrénéens, ceux de la Brenne et ceux de la Dombes) ; les planèzes du Cantals-de Salers et de Saint-Flour, ces coulées de basalte qui tapissent le pied des volcans- ; l’Aubrac, bien sûr et le causse Méjan, ou encore le Vercors. La Beauce aussi.

    Des légendes qui prennent vie avec la bête du Gévaudan par exemple, c’est ainsi que des lieux deviennent des cites de curiosité, de pèlerinage pour d’autres, des lieux à éviter baignés de malédiction ou maléfices, étant pour ces faits baptisés du nom “lieu dit”.

    Page 24 : Mercoire, puis aux abords des villages du département voisin, avant de venir errer dans les pâturages qui ourlaient les sapinières du mont Mouchet. Alors repéré, il fut abattu non loin du village de Montvert. Montvert, désormais apaisé, éclatant de silence, comme posé en bord de Margeride, semblant y conduire, lui donner la main plutôt que la dominer. : quelques hameaux, deux petites vallées, une route improbable dessinant ses lacets à flanc de montagne, tel un filet de vie reliant les fermes isolées ; au fond, plus loin, bleu pâle , l’horizon ; plus loin encore certainement, d’autres Margeride, d’autant plus désirables et attirantes qu’inaccessibles, juste entrevues.

    Chemin faisant, le lecteur s’immerge de plus en plus profondément dans le décor et dans cette atmosphère si particulière des campagnes, on entend le murmure de la vie si douce qui s’écoule, ces épisodes qui n’appartiennent qu’à ces instants, qu’à cette géographie du moment et de l’humain.

    Page 57 : “je ne m’ennuie jamais, moi, j’ai mon cinéma ici”, me dit-il en désignant la vue splendide qu’il a de sa cour : de vastes prés en longueur comme semés de robustes fayards noueux donnant sur une vallée encaissée, et, conduisant doucement vers le fond d’un paysage et au-dessus, vers le ciel qui semble tout proche, des pâturages en pente douce striés de murets de garnit – un bocage de pierres – qui moutonnent sur fond de nuages. une petite route au loin s'offre au regard, surlignée d’une ligne de frênes – des arbres compagnons, des arbres de famille, pourrait-on presque dire, au même titre que le sureau ou le sorbier des oiseleurs qui garnit souvent les murs extérieurs des fermes-, tandis que le tracé d’une ligne de chemin de fer se devine au pied du versant de la vallée, et sa minuscule gare- “

    La météo : éternelle, l’ entrée en la matière pour ouvrir une conversation anodine, incontournable dans nos campagnes, le sujet quotidien de nos anciens, plusieurs fois vient s’immiscer dans notre journée, à la TV ou radio, au croisement de mains avec ce “ça va” s’en suit “sale temps ! ” ou “quelle chaleur pour la saison!” par exemple. Ces bouts de rien qui rythment toute une vie, au fil des saisons, nous relient aux uns et aux autres. Pourquoi autant d’importance à cette météo ? Phénomène qui joue sur notre comportement, sur notre moral, et notre civilisation, voire sur notre physique. Ici encore, tout semble lier naturellement, il y a comme ça des paysages et des gens qui sont modelés par les aléas du “temps”.

    Page 183 : Préoccupation justifiée si l’on songe à l’obstination du ciel, bien au-delà de la fin de l’hiver, à empoisonner la vie dans ces contrées. Témoin ce 11 février 2010 où Jean-Louis a bien failli rester prisonnier d’une congère à quatre kilomètres seulement du Mazel ; et quelques jours après, cette assistante sociale d’Aurillac qui m’a dit au téléphone qu’elle venant de rebrousser chemin au col qui devait la conduire à Neussargues. Rappelons-le, il y a deux France : celle qui aime la neige et celle qui l’a redoute ; celle des nivophiles, la majorité d’entre nous, gens des villes, et uis celle des nivofuges (ou miso-nivistes), gens des montagnes, usagers craintifs de la route, lourdement pénalisés, une injustice géographique, une de plus ! Réactivant les mémoires, la neige : viendra, viendra pas ? Teindra-t-elle ? “Demain il devrait geler”
    ***

    Ce livre est une promenade au cœur d’une certaine France à la géographie curieuse et à la population bien marquée selon son territoire, c’est un ensemble qui ne peut se dissocier, c’est ainsi que je l’ai perçu à la lecture de cet essai qui se lit comme un roman, à la plume poétique. Un essai qui nous invite à aller par les chemins à la rencontre de ces paysages, de ces gens autrement qu’en tourisme, découvrir cette géographie