Et les hommes sont venus

Chris Cleave

NiL éditions

  • Conseillé par
    26 juillet 2010

    Petite Abeille, Nigérienne, est dans un centre pour réfugiés à Londres depuis deux ans. Deux ans, durant lesquels elle a appris à parler un anglais impeccable pensant que ce serait suffisant pour être acceptée en Angleterre.

    A sa sortie, elle téléphone à Andrew et à Sarah, un couple de touristes dont sa fuite a croisé la route deux plus tôt sur une plage du Nigéria. Car Petite Abeille et sa soeur aînée tentaient d'échapper aux hommes qui sont venus incendier le village et tuer tout le monde. Le choc de deux mondes, de deux visions vont changer la vie de ces personnages. Au fils des pages, on comprend ce qui unit Petite Abeille à Andrew et Sarah...

    Quel livre ! Un fois commencé, je n'ai pas pu le lâcher. Même si ce livre débute avec de l'humour quand Petite Abeille aide les autres réfugiées à parler en Anglais, la suite l'est moins.
    Tous les jours ou presque, on lit ou entend qu'il y a des conflits dans des pays d'Afrique , informations auxquelles on prête une oreille plus ou moins attentive. Mais si un jour, on se retrouvait dans un de ces pays à devoir sauver un de leur habitant contre l'un de nos doigts. Est ce que l'on accepterait ou non? Notre vie en serait bouleversée quelque soit la réponse.

    Le livre alterne le récit de Petite Abeille et celui de Sarah jeune femme moderne dont le couple battait déjà de l'aile lors de leur voyage au Nigéria.
    Au fil des pages, on apprend ce qui s'est passé réellement sur cette plage et les conséquences...

    Petite Abeille m'a touchée. Ses propos sur le regard que l'on porte sur les pays d'Afrique est percutant, dérangeant. Courageuse, elle sait jouer de la langue anglaise pour défier bien des situations. Ses espoirs se transforment un une résignation passive, elle qui souhaite juste être acceptée dans un pays où l'on veut d'une réfugiée supplémentaire qui viendrait grossir le flot important des demandeurs d'asile.
    Sarah se cherche, essaie de vaincre ses démons, se pose des questions et tente d'avoir un nouveau départ dans la vie.

    La fin est inattendue et m'a stochée... comme s'il fallait que ce soit toujours les mêmes qui fassent preuve de courage et d'humilité.

    Un livre dense sur un sujet difficile. On est amené à se poser de questions et à regarder sa conscience bien en face...
    Une lecture marquante, un témoignage sur deux mondes que tout sépare sauf l'idée de la liberté que chacun en fait.

    Un coup de coeur !


  • Conseillé par
    30 juin 2010

    Un roman percutant

    Petite Abeille, Sarah … deux femmes, deux cultures opposées, rien qui pourrait les rassembler, et pourtant… faute de sauver son couple lors d’une escapade au Nigéria, Sarah fera bien mieux : elle sauvera la vie de Petite Abeille fuyant avec sa sœur l’horreur d’un certain génocide déguisé… Sarah contrairement à son mari n’hésite pas une seconde…cette seconde décisive où le destin bascule à tout jamais

    Le roman se dessine en mosaïque : l’histoire de Petite Abeille percute le chemin de Sarah, dès lors leur vie vole en éclats… chaque pièce est soigneusement posée alternativement par l’une et l’autre des deux femmes… afin de reconstituer l’histoire de chacune d’elles, l’une qui vient au secours de l’autre, puis inversement comme une invite à ne pas sombrer à tout jamais vers une issue fatale… Petite Abeille nous révèle les drames de son pays, sa fuite, et les conditions des réfugiés …La confrontation de deux civilisations aussi différentes provoque forcément des situations plus ou moins dramatiques mais aussi loufoques et ironiques voire improbables. C’est sans doute ce qui sauvera Petite Abeille dans ce pays où “: il faut être jolie ou parler joliment” pour espérer être accepté … Petite Abeille opte pour la deuxième solution : l’Anglais de la Reine, qu’elle s’évertue à maîtriser ce qui ne manque pas toujours d’être comique… mais on ne peut que s’incliner face à sa persévérance, son courage et son optimisme.

    En écho, Sarah nous livre son histoire, sa rencontre avec Petite Abeille mais aussi son couple qui bat de l’aile, son travail qui ne correspond plus à ses attentes, elle ne sait plus faire semblant de ne pas savoir ce qui se passe au Nigéria tant que dans tous ces pays en voie de développement… De drame en drame, elle finit par prendre la décision de protéger Petite Abeille faute de ne pouvoir changer le monde…

    Ce roman se joue donc sur deux tableaux, et nous dévoile plus d’une facette… Cette construction du roman est originale, et le fait de nous révéler par brides les événements de l’une et de l’autre, nous plonge dans une intrigue intéressante. De rebondissement en rebondissement, la mosaïque prend forme et nous livre une histoire bien que dramatique fort poignante et émouvante.

    Quant aux autres sujets proposés comme : l’infidélité, ils deviennent presque insignifiants face à l’atrocité du vécu de Petite Abeille et dérisoires à côté de la situation que vivent au quotidien les réfugiés et les sans-papiers… il est vrai que pris à part, chaque événement est important mais mis côte à côte, forcément l’un l’emporte sur l’autre et là surgissent toutes les questions personnelles : y-t-il lieu de faire un drame de son mal-être au quotidien alors qu’à notre porte, des vies sont complètement anéanties, meurtries, bafouées, pour ne pas dire ignorées, passées sous silence ces conditions inhumaines ….elles devraient nous révolter et nous mobiliser au lieu de se lamenter sur le sort d’une infidélité, sur son boulot qui devient qu’une routine etc …

    En résumé :

    Un roman qui met à la lumière les points bien sombres de notre civilisation…

    Une belle lecture, des personnages attachants parfois marrants, émouvants : j’ai beaucoup apprécié ce roman à deux voix et approuvé les choix de Sarah vis-à-vis de Petite Abeille , mettant en veille sa carrière mais profitant de son expérience et de son courage pour la sauver elle et bien d’autres petites abeilles en détresse… une goutte d’eau dans la mer, mais une goute et une goutte ça finit par compter… ce qui est contradictoire car c’est bien une goutte d’eau qui a fait déborder le vase de Sarah … ne négligeons pas l’infime qui peut tout faire basculer vers l’extrême …