- EAN13
- 9782072276163
- Éditeur
- Gallimard
- Date de publication
- 14/12/2023
- Collection
- Blanche
- Langue
- français
- Langue d'origine
- français
- Fiches UNIMARC
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Autre version disponible
-
Papier - Gallimard 23,40
"Chaque soir de nouvelles villas se vident, chaque matin l'on voit des
familles gagner le port, croisant les belles lycéennes au large chemisier
blanc, à la jupe qui dessine les hanches, et les pêcheurs de sardines.
Alexandrie s'en va. Des policiers sifflent pour personne, comme des oiseaux,
aux carrefours déserts. C'est l'hiver et pourtant il arrive que monte du
rivage une odeur moite qui rappelle l'été. Dans ces moments, le regret est le
plus fort. Ceux qui ont moins de bagages et d'enfants s'arrêtent pour un
dernier café d'Alexandrie à la Maison du café. On lit au plafond la devise
ordem in progresso. Les murs sont couverts de glaces biseautées, de
statistiques, de réclames en français - les cafés brésiliens sont les
meilleurs du monde - et l'on ne s'entend pas, à cause du bruit des hautes
machines nickelées. Que dirait-on ? Ceux qui partent ne retiennent rien, ni le
grondement ferrugineux du tram, ni les inscriptions des kiosques, ni l'odeur
du poisson aux épices et au citron, enveloppé de papier huilé. Ils n'ont plus
de mémoire. Du moins le croient-ils. Elle se vengera plus tard, en leur
présentant, à l'occasion, Alexandrie telle qu'elle fut, plus complète même
qu'ils ne l'auront jamais connue, et nimbée de la fraîcheur particulière aux
premières fois."
familles gagner le port, croisant les belles lycéennes au large chemisier
blanc, à la jupe qui dessine les hanches, et les pêcheurs de sardines.
Alexandrie s'en va. Des policiers sifflent pour personne, comme des oiseaux,
aux carrefours déserts. C'est l'hiver et pourtant il arrive que monte du
rivage une odeur moite qui rappelle l'été. Dans ces moments, le regret est le
plus fort. Ceux qui ont moins de bagages et d'enfants s'arrêtent pour un
dernier café d'Alexandrie à la Maison du café. On lit au plafond la devise
ordem in progresso. Les murs sont couverts de glaces biseautées, de
statistiques, de réclames en français - les cafés brésiliens sont les
meilleurs du monde - et l'on ne s'entend pas, à cause du bruit des hautes
machines nickelées. Que dirait-on ? Ceux qui partent ne retiennent rien, ni le
grondement ferrugineux du tram, ni les inscriptions des kiosques, ni l'odeur
du poisson aux épices et au citron, enveloppé de papier huilé. Ils n'ont plus
de mémoire. Du moins le croient-ils. Elle se vengera plus tard, en leur
présentant, à l'occasion, Alexandrie telle qu'elle fut, plus complète même
qu'ils ne l'auront jamais connue, et nimbée de la fraîcheur particulière aux
premières fois."
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